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Le livre des visages : aussi book que Facebook

 

Sylvie Gracia n’est pas une novice. Éditrice au Rouergue, elle a également publié cinq romans dont Les nuits d’Hitachi en 1999 (L’Arpenteur/Gallimard) et Une parenthèse espagnole en 2009 (Verticales). Elle revient aujourd’hui aux éditions Jacqueline Chambon avec Le livre des visages, œuvre hybride entre récit-photos et journal intime. Traduisons le titre de ce livre en anglais, cela donne : Facebook. Le réseau social qui a servi de tremplin à l’auteure pour la genèse de ce bouquin très spécial…

On le sait : en littérature, parler de soi ne va jamais de soi. Selon le philosophe Gilles Deleuze pour se mettre à nu sans tomber dans le piège du « narcissisme sans intérêt », un auteur doit apprendre « à diluer son je personnel dans des thématiques universelles. »* Parti pris pour lequel Sylvie Gracia opte explicitement : en plus de nous parler d’elle, l’auteur développe, sur près de 250 pages, des sujets aussi vastes que la mémoire, la mort, la tendresse d’une mère pour sa fille, le temps qui passe… et bien sûr, les gens, les autres, vous tous, ici et maintenant, visages à l’image absente qui habitez mes jours…

Mais comme pour pousser plus en avant la réflexion de Deleuze, l’écrivain double ces thématiques d’un procédé formel original, issu d’un cheminement intellectuel qui débute au printemps 2010. C’est à cette période que Sylvie Gracia commence en effet à publier sur Facebook des clichés pris depuis son téléphone portable, qu’elle commente de micro-récits. Entraînant une réaction immédiate de l’écriture, chaque image est tirée du concret de (ses) jours nous dit-elle, car là est l’existence : le salon de l’auteur, le caveau de son père, un chien rencontré au hasard d’une errance dans Paris, des crânes humains exposés en vitrine, un carré de ciel bleu… Peu à peu, une œuvre expérimentale voit le jour et Sylvie Gracia décide alors d’en faire un livre… recueil  d’émotions d’une femme condamnée à  arracher chaque mot à l’ombre en écrivant sa vie… à défaut de savoir la vivre.

Le résultat est saisissant d’inventivité, de poésie et de pudeur. Si au milieu de ses texte-images, Sylvie Gracia nous parle de son moi intime (…) éclaté (…) impossible à reconstituer, elle ne fait jamais que l’effleurer, plaçant d’emblée le lecteur dans un état d’indécision et de curiosité que l’écriture qui saisit les choses sans les dévoiler ne fait que renforcer. En toile de fond, une passionnante réflexion sur l’identité du livre lui-même, difficile à cerner. Autobiographie, récit-clichés, roman intime ? Refusant les étiquettes (ou les endossant toutes, selon), Le livre des visages invente un nouveau genre tout en offrant une expérience de lecture surprenante.

Dont on ne revient pas indemne.

 * « Dialogues » de Gilles Deleuze et Claire Parnet (Editions Flammarion)

« Le livre des visages » de Sylvie Gracia (Editions Jacqueline Chambon)

William Memlouk

Retrouvez la page Facebook de Sylvie Gracia ici: http://www.facebook.com/sylvie.gracia


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