Nous ne ratons jamais la sortie des romans d’Olivier Descosse, ni l’occasion de discuter avec cet auteur de talent qui est aussi – malgré ce que certains de ses personnages pourraient laisser penser – un type bien. Après « Le Pacte rouge » (Prix Polar de Cognac) et « L’Ordre noir », il signe un thriller qui va encore nous cuire l’âme à petit feu cet été. « La Liste interdite » (éditions Michel Lafon) raconte l’histoire de deux flics français très particuliers. Un Black craquant mais au caractère peu commode, et un Blanc bouddhiste et cultivé, qui plaît aux femmes mais ne veut pas le savoir. Il y a aussi une juge, dont la vie amoureuse est un échec saignant, et une affaire qui compromet la justice. Et ranimera une polémique qui dressa une moitié de la France contre l’autre il y a quelques années… < Interview >
Quel est le nerf de votre histoire ?
C’est la liberté de penser. Quelles que soient ses conséquences. On vit dans une société où cette liberté s’effrite de plus en plus. Certes, il y a des règles à suivre et je considère qu’en soi c’est une bonne chose. Sans cela, la vie en commun serait impossible. Mais même si on accepte de jouer le jeu, on n’est pas obligé pour autant d’adhérer à tout.
Ce que j’ai voulu aborder dans « La Liste interdite » – via une histoire touchant au fonctionnement de la justice et au totalitarisme rampant de ceux qui veulent imposer leur vision du monde, même chez nous en France – c’est cette frange de la pensée et des sentiments qui sont trop exacerbés pour se couler dans le moule de ce qui est réputé correct. Cette zone, à mon sens, échappe à tout contrôle et à tout endoctrinement. Même si on la cache et si on la tait, elle existe. Et je n’arrive pas à me faire à l’idée que certains veuillent l’éradiquer, pour nous obliger à penser droit.
À propos de nerfs, le seul et unique but d’un auteur de thriller est-il de jouer avec ceux de ses lecteurs ?
Non. J’essaye également, comme je viens de le dire, d’aborder un thème plus profond concernant notre société, notre époque, et la façon dont les gens la traversent.
Y a-t-il des points communs entre vos différents livres ?
Sûrement. Je ne les vois pas toujours car il s’agit de fixations inconscientes. J’en découvre parfois certains grâce aux personnes qui lisent mes livres et me les font remarquer. Dans le désordre, il y a le rapport à la mère, l’absence du père, le conflit familial. Mais aussi le voyage, le départ et la nécessité de vivre une vie en accord avec ses aspirations profondes. J’aime également tout ce qui touche aux valeurs de l’amitié et de l’engagement. Je crois quemes personnages sont plutôt des solitaires, mais des solitaires qui subissent cet état à cause des circonstances. Ils cherchent à partager, mais n’y arrivent pas ou difficilement. Et le rythme de mes romans ne leur en laisse pas toujours l’occasion…
Comment raconteriez-vous votre carrière d’écrivain, les hauts, les bas, et le fil conducteur ?
Je l’ai souvent dit, la carrière d’écrivain est un sacerdoce. Il faut, je crois, être très motivé etpassionné au-delà de la raison. Chaque livre est un combat à mener, une montagne à gravir. Je dois être comme un alpiniste. Vu de la vallée, les gens se demandent probablement ce qui le pousse à accomplir tous ces efforts. Et parfois je me le demande aussi. Mais quand on est sur le chemin, même s’il est difficile, on trouve des choses magnifiques. Et quand on est parvenu en haut, la satisfaction est énorme. Donc, oui. Il y a des hauts et des bas, des moments de découragement et des moments de bonheur. Comme dans toute activité humaine au fond. La différence, et c’est pour cette raison que j’accepte les sacrifices qu’écrire impose, c’est que ce travail donne accès à l’imaginaire, à une part de rêve qui permet à l’auteur d’inventer sa vie. C’est pour ça que j’écris.
Je rencontre mes lecteurs dans des salons du livre et je constate que ce sontmajoritairement des femmes. Par ailleurs, je suis toujours surpris quand on m’aborde en me disant qu’on a lu un de mes romans, voir même qu’on l’a aimé. Chacun l’exprime avec ses mots, à sa façon, et nous parlons comme des gens passionnés par la même chose. Je crois que mes lecteurs doivent être un peu comme moi s’ils se reconnaissent dans ce que j’écris ou pour le moins y sont sensibles. Je ne sais pas pour autant comment ils m’imaginent. Probablement au travers de l’image qu’ils se fabriquent en me lisant, ou des photos qui me représentent. Mais est-ce bien important, au fond ? L’essentiel n’est-il pas le livre, son univers et ses personnages, plutôt que l’auteur ?
Écrire me rends heureux. Quel que soit le sujet. J’aime inventer des vies, créer des situations et les voir se développer. Les tragédies et les sombres destins sont plus propices à l’observation de l’âme humaine. Le bonheur se raconte peu, ou rapidement. Le malheur en revanche, permet de “gratter” pendant des heures. C’est aussi pour ça que j’ai choisi ce genre littéraire. La tragédie, la dramaturgie, sont les textes de référence dans la littérature, il doit y avoir une raison…
Que lisez-vous, que ne lisez-vous pas ?
Je lis de tout. Des thrillers évidemment (comme Le Serment des Limbes de Jean-Christophe Grangé, que j’apprécie particulièrement), mais aussi des romans de littérature générale (entre autres : À Marche forcée de Slavomir Rawicz, ou Au secours pardon de Frédéric Beigbeder). Parfois des essais, mais de plus en plus rarement. Quand je le fais, c’est finalement pour me documenter sur un sujet en rapport avec mes histoires.
Qu’allez-vous écrire maintenant, à courte et moyenne échéance ?
En ce moment j’écris un nouveau thriller. J’ai le projet d’écrire autre chose, un roman plus « psychologique », ou disons plus axé sur les personnages et moins sur une construction complexe et à tiroirs. Ce projet, ça fait cinq ans que j’y pense, mais pour l’instant, je n’ai pas eu le déclic. Je n’ai pas encore fait le tour du thriller, si tant est que je ne le fasse jamais, car la palette de ce qu’on peut y mettre est vaste. C’est une question de moment. Il faut être prêt à écrire ce que l’on écrit. Mentir sur son travail serait absurde. L’honnêteté doit présider à l’écriture pour qu’elle ait un sens.
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