Le prix ultra féminin de La Closerie des Lilas, qui en est à sa 7e édition, est une belle aventure d’amitié. Créé avec Carole Chrétiennot, cofondatrice du Prix de Flore, et un petit groupe de romancières journalistes, Tatiana de Rosnay, Jessica Nelson, Stéphanie Janicot, Adélaïde de Clermont-Tonnerre et moi-même (présidente), nous invitons tous les ans des personnalités du monde des arts et des lettres, de la politique et des média. Un des rares jurys tournants, ce qui veut dire que des anciennes y reviennent. Cette année, avec les six permanentes, notre jury est composé de Cécilia Attias, Roselyne Bachelot, Lydia Bacrie, Mireille Darc, Anne Michelet, Mazarine Pingeot, Daphné Roulier, Amanda Sthers et Karine Tuil. Notre mission ? Promouvoir, en toute indépendance, la littérature des femmes et couronner une romancière de langue française dont l’ouvrage paraît à la rentrée de janvier. Notre choix se porte depuis sept ans sur un roman grand public et de qualité littéraire, un roman que l’on a envie d’offrir à sa sœur, à sa mère, à ses amis. Le Prix de la Closerie des Lilas 2013 a été attribué à Alice Zeniter pour Sombre dimanche paru aux éditions Albin Michel. Un prix qui a lancé cette romancière de talent. En prime, la lauréate est l’invitée privilégiée de la Closerie des Lilas pendant un an, pour un montant de 3 000 euros. La maison Montblanc partenaire du Prix depuis sa création en 2007, liée à l’écriture depuis ses origines, lui remet un stylo plume, cette année, ce sera « Collection Héritage 1912 ».
Le jury du Prix de la Closerie des Lilas s’est réuni mardi 11 mars et a établi sa deuxième sélection. Entre fous rires et échanges animés, Roselyne Bachelot est arrivée sur les chapeaux de roue croyant que la réunion avait lieu au Flore. Avec elle, bons mots et scoops garantis. Mireille Darc s’est passionnée pour les romans et avait pris des notes. Le tour de table permet à chacune de faire part de ses coups de cœur ou de ses réserves. Dans cet exercice, plusieurs d’entre nous se révèlent de sacrées chroniqueuses et l’on a envie de filmer ces instants d’enthousiasme, cette liberté de ton, cette sincérité, cette fraîcheur venant souvent de personnalités hors circuit littéraire. Mais, tout doit rester secret et jusqu’à présent, rien n’a filtré, rien n’a été enregistré, du moins j’espère !
L’académie Lilas présidée par Marie-Christine Imbault avec Brigitte Kernel, vice présidente, réunit les anciens jurys ou, du moins, celles qui souhaitent y participer. Le prix de l’académie Lilas est remis à la personnalité de l’année.
Quelques mots ou plutôt impressions sur les cinq romans sélectionnés, sans rien dévoiler, exercice difficile car j’avoue qu’ils m’ont tous emballée et que le vote final risque de susciter de belles discussions.
« Le colonel et l’appât 455 », de Fariba Hachtroudi (Albin Michel)
Née en Iran, Grand prix des droits de l’homme 2001, Farida Hachtroudi explore comme dans une tragédie antique l’engrenage totalitaire qui tente de broyer les êtres. Une ancienne prisonnière d’une République Théologique croise le chemin d’un des colonels les plus proches du Commandeur suprême. Où il est question de leurs amours respectives… Puissant et subtil.
« Buvard », de Julia Kerninon (la Brune au Rouergue)
Cette pseudo biographie d’une romancière à travers la rencontre entre un jeune homosexuel et Caroline N. Spacek est sous-tendue par une tension qui ne vous lâche pas. On y sent la passion pour l’écriture et l’énergie de la jeunesse. En en un savant jeux de miroirs, cette romancière de 27 ans sonde la genèse de l’écriture, le rapport entre la vie et la littérature, la soumission, l’identification. De l’humour, des trouvailles qu’on a envie de stabiloter. On dirait un film de Rohmer a dit l’un des membres du jury.
« La petite communiste qui ne souriait jamais », de Lola Lafon (Actes Sud)
Fascinée par le destin de la petite gymnaste roumaine de 14 ans apparue aux JO de Montréal en 1976, Nadia Comaneci, Lola Lafon nous interroge sur le corps maltraité lorsqu’il n’est plus celui d’une ado bridée et élevée au grain pour réussir. Tout en imaginant des échanges épistolaires avec l’ex sportive devenue citoyenne américaine, ce livre virtuose pose des questions politiques liées au régime communiste roumain, aux rapports Est Ouest. Brillant et inoubliable.
« Dans la remise », d’Inès Benaroya (Flammarion)
Anna se réveille par un bruit venu du fond du jardin. Dans la remise, un enfant dort. Le début d’un roman sur l’incommunicabilité entre les êtres, le désir refoulé d’être mère. Le drame d’Anna se révèle par touches : tout semble en apesanteur, poétique, en suspens, mystérieux et poignant.
« Réparer les vivants », de Maylis de Kerangal (Verticales)
Un grand roman sur un sujet délicat, une transplantation cardiaque, qui mérite le Grand Prix RTL Lire qui lui a été décerné. Nous nous identifions aux personnages : le fils, les parents, le médecin. D’une écriture sublime et précise, Maylis de Kerangal « fouette son sujet, l’épingle » disait l’une d’entre nous. Elle nous inspire, nous transporte, nous bouleverse. Par sa dimension humaine, ce sujet interpelle et laisse des traces, cette rémanence dont parlait Françoise Héritier, membre du jury l’an dernier.
Pour information, voici deux liens, l’un vers notre blog de la Closerie, l’autre vers notre page Facebook : prixlilasblog.over-blog.com et Prix de la Closerie des Lilas.
Parmi les autres romans que j’ai aimés depuis la rentrée de janvier :
« Nous étions une histoire », d’Olivia Elkaïm (Stock)
Après son accouchement, Anita s’angoisse. Le passé la submerge, elle quitte son mari, lui laisse le bébé, descend vers Marseille, théâtre d’un drame familial. Une grand-mère alcoolique, une mère autoritaire : la pauvre Anita n’a pas appris à être mère et part sur les traces de la sienne. Un roman sur la mémoire, la transmission, sensible et fort.
« Edgar Faure, secrets d’Etat, secrets de famille », de Rodolphe Oppenheimer (Ramsay)
Cet essai du petit-fils du Président du Conseil m’a touchée d’une part parce qu’Edgar Faure était l’ami de mon grand-père, Georges Izard, avocat, académicien et homme politique socialiste, d’autre part parce qu’il révèle que cet homme engagé a caché sa femme d’origine juive. Aux côtés de Luc Corlouër, Rodolphe Oppenheimer-Faure signe un portrait attendrissant d’un couple, précurseur dans bien des domaines. Un couple libre. Lucie Faure née Meyer parlait peu de cette terrible épreuve. Résistante aux côtés de Pierre Mendès-France et de Maurice Druon, l’auteur des paroles du « Chant des Partisans », son destin est lié à celui de son mari. L’auteur raconte le procès de Nuremberg où Edgar Faure a mené le contre-interrogatoire de Von Ribbentrop. Un livre passionnant qui rend hommage à des êtres d’exception avec l’admiration d’un petit-fils.
« Les invasions quotidiennes », de Mazarine Pingeot (éd Julliard)
Normalienne, professeur agrégée de philosophie, Mazarine Pingeot se révèle très à l’aise dans l’art de la comédie qui permet de parler des choses graves avec légèreté à l’image des romancières anglaises. Josephine est tiraillée entre son métier, ses enfants et son ex qui exige la garde de ses deux fils. Auteure de livres pour enfants, l’inspiration lui fait défaut alors que son éditeur s’impatiente et, cerise sur le gâteau : son banquier la harcèle, son lave-vaisselle la lâche. D’une plume enlevée, Mazarine brosse le portrait d’une femme d’aujourd’hui et beaucoup d’entre nous se retrouverons dans ces Invasions quotidiennes qui perturbent notre vie. Un futur scénario ?
« Un amour à l’aube », d’Elisabeth Barillé (Grasset)
Elisabeth Barillé ressuscite deux créateurs de génie : Modigliani et Anna Alchamatova, poétesse russe. Dans une salle de vente parisienne, elle découvre une sculpture de Modigliani de celle qui se disait « l’hôte de la vie » par Modigliani – leur admiration commune pour Verlaine les avait rapprochés. Dès lors, Elisabeth Barillé se lance dans une enquête, récolte des indices, lettres, poèmes, journaux intimes, photos, dessins, reconstitue le puzzle. Elégante et subtile, elle fait revivre ces artistes passionnés d’art entre le Montparnasse des débuts du cubisme et les dandys de Saint-Pétersbourg. Poignant et passionnant.
« Zola.rêve sans nom », de Cyrille Commène (éd. Jean-Michel Place)
Voilà une enquête passionnante sur la maîtresse de Zola, mère de ses enfants : Jeanne Roserot. Océane, une jeune artiste descendante de la famille Zola part sur les traces de son ancêtre et découvre des documents dans un grenier. Zola est marié à Alexandrine : en 1894, celle-ci accepte l’existence de cette femme tenue cachée et tolère un droit de visite pour les enfants qu’elle veut connaître et dont elle assure même l’avenir. « En contrepartie, Zola fit tout pour ne pas blesser son orgueil et préserver sa fonction « mondaine ». Jeanne fut bannie, condamnée à vivre dans les brumes ». Comment Jeanne a-t-elle été oubliée ? Qui était cette femme belle, « éternellement jeune, sortie du rêve de Zola », le modèle de ses héroïnes? Un livre dense et essentiel qui revient sur les zones d’ombre de cette famille. Une réflexion sur le lien entre l’œuvre et la vie, sur la place de la femme chez l’auteur de « Germinal », des « Rougon-Macquart ».
« Face aux ombres », de Catherine Enjolet (Phébus)
Ariane s’installe dans le quartier latin, rue Mouffetard, et s’aperçoit que son appartement est « habité ». Au fil des pages, elle entreprend une enquête qui est aussi une quête pour affronter les non-dits mortifères, les malédictions et faire faire face aux ombres. Sensible et touchant, dans la lignée des romans sur la mémoire des murs. L’auteure a fondé la première ONG de parrainages d’enfants en France et lancé l’adoption affective.
« Beauvoir l’enquête », d’Irène Frain. Livre multimédia uniquement disponible au format numérique sur iPad.
Les coulisses de l’enquête faite par Irène Frain pour son livre paru chez Michel Lafon, Beauvoir in love sur la liaison de Beauvoir / Nelson Algren. Carnets, photos, films, sons en marge : un vrai “polar littéraire”. Ce texte publié en coédition avec la plate-forme d’édition numérique “Storylab” et l’éditeur papier vient d’être sélectionné par le Syndicat National de l’Edition comme l’un des 7 livres numériques les plus innovants de l’année. Il sera présenté aux Assises Nationales du livre numérique le 21 mars au Salon du Livre de Paris. Pour Irène Frain, le numérique et le papier ne s’opposent pas, ils peuvent s’accompagner. Et on peut être attrayant sans céder à la démagogie. Le ” gai savoir” en somme…
Emmanuelle de Boysson
Fiction TV : palmarès du festival de Luchon
Par Emmanuelle de Boysson, membre du comité de sélection du festival, journaliste à Marie Claire et romancière (sortie le 3 avril chez Flammarion de son roman “Oublier Marquise”) Depuis 2008, Serge Moati assure la présidence artistique du Festival des Créations Télévisuelles. Pour ce quinzième anniversaire, il avait prévu une édition mettant l’accent sur la création. Seul […]
Emmanuelle de Boysson, voyageuse du temps
Les écrivains oublient parfois qu’un livre doit être, aussi, distrayant. C’est-à-dire nous sortir de nos petites obsessions habituelles, jusqu’à parfois nous les faire oublier pour quelques heures. Il ne s’agit pas de décerveler le lecteur, de lui anesthésier le cerveau, mais de l’oxygéner. Le dernier roman d’Emmanuelle de Boysson, “La Revanche de Blanche” (éd. Flammarion), […]
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